Un blog pour un grand évènement...

Ce blog a été crée dans le contexte de la fête de la science qui se déroulera du jeudi 21 au dimanche 24 octobre 2010 à l'université de Nîmes (site des Carmes).

Nous, Cassandre DEWINTRE, Claire MAGAUD et Karim KADIR, tous trois doctorants en géographie rattachés au laboratoire ART-Dév du CNRS, avons décidé de traiter de la thèmatique de "la ville durable" reliant nos projets de recherche respectifs.

Ce travail sera l'occasion de faire découvrir au grand public les notions clefs du concept de ville durable via différents documents du blog et animations sur le site des Carmes.

Bonne lecture à tous...

Quelles formes d habitats pour la ville durable ?

I) Des villes durables...

La ville durable ne peut être associée à un modèle urbain générique, unique mais se construit, au contraire, au grès des particularismes locaux qui façonnent une identité urbaine. De ce fait, il apparaît plus pertinent de traiter "des villes durables" en faisant émerger les complexités qui incombent au développement de toutes les villes dans le monde.

Car l'ambition de la durabilité c'est la capacité pour telle ou telle ville de savoir, de pouvoir préserver plus qu'un patrimoine, une mémoire, une diversité. Cette diversité est une notion à prendre en compte dès qu'il s'agit de traiter de la durabilité au niveau mondial. En effet, comment confronter les villes africaines, sud-américaines, nord-américaines, asiatiques ou encore européennes aux mêmes objectifs de développement au vu de la profonde diversité des situations sociales, économiques, culturelles, politiques voire spatiales (risques naturels, désertification...).

La question économique est ici prégnante et creuse les écarts entre les territoires. Nombreux sont les pays qui pâtissent d'une mauvaise gestion du foncier, de leurs territoires et ceci même au sein des états pratiquant une politique planificatrice. Face à une pression urbaine très forte qui confronte bien souvent les aménageurs à l'urgence du développement du bâti, et face à des ressources financières souvent insuffisantes, il apparaît très complexe d'organiser au mieux la ville, de l'ériger en "ville durable".

Néanmoins, malgré ces difficultés, on observe, et pas seulement au sein des pays du Nord, des tendances simultanées des états à repenser leur territoires, le développement de ceux-ci dans la durée et surtout dans leur globalité. Il ne s'agit plus de placer de façon non cohérente des morceaux de territoires les uns à côté des autres sans les relier, en favorisant l'émergence d'une ville éclatée. Désormais les acteurs de l'urbain s'associe pour rejeter la ville consommatrice, énergivore, chronophage, la ville qui fait peur. Cette "trash city" comme l'a intitulé Jean-François Guet CERTU) avec ces espaces criminogènes, sa chèreté, sa non-organisation, son insalubrité ainsi que sa non connectivité est bannie.

Il ne s'agit pas en prônant la notion de ville durable de construire à terme la ville parfaite, simple utopie irréaliste et portée par les idéologies des acteurs de la villes (architectes, urbanistes...) mais d'opter pour des transformation ou créations réalisables et surtout s'intégrant dans l'environnement ciblé en mêlant les trois piliers du développement durable bien-sûr (social, économique, environnemental) mais sans omettre l'aspect esthétique qui participe sans aucun doute au sentiment de bien-être des populations résidentes.

En travaillant en association et aux différentes échelles des territoires, les acteurs politiques, économique, de la recherche ont mis en avant des enjeux et outils attenant à l'ambition de transformer leurs cités en villes durables. En créant notamment le système des Agenda 21, les collectivités ont en mains un outils efficace de travail et de collaboration afin d'engager des politiques de développement durables efficaces et surtout réalisables sur le terrain. Les objectifs consistent désormais à la diversification de l'offre de logement, de transport et de l'offre culturelle et sportive, offres accessibles au plus grand nombre afin d'éviter tout processus de ségrégation. Au niveau des formes urbaines, il est devenu indispensable par mesure d'économie d'énergie notamment de densifier la ville de manière raisonnée afin que l'environnement urbain ne soit pas un espace "subi" et non plus choisi par les population. Il est aussi question au niveau économique de pérenniser les villes en mettant en avant les entreprises locales et en les dynamisant afin qu'elles ne subissent pas "l'effet tunnel" inhérent au processus de mondialisation et de concurrences entre différents pôles économique, aussi bien régionaux que nationaux. Enfin, parmi bien d'autres mesures, la question des transports apparaît comme un des principaux enjeux de la durabilité. En effet, il est primordial d'assurer la cohérence des différents territoires de l'urbain en améliorant l'accessibilité des périphéries aux principaux centres urbains afin de sortir de l'écueil de la ville morcelée perdant son identité. Il est question ici de favoriser la mutimodalité et de permettre via la fluidification des déplacement d'améliorer le quotidien des populations, car ce sont ces populations qui sont avant tout mise en avant dans les politiques urbaines durables.


II) Les écoquartiers: la concrétisation des nouvelles politiques urbaines


a- Définition et développement des écoquartiers

Le principe de l'écoquartier s'est principalement développé dans les années 90 et sous la pression locale comme globale des politiques de développement durable. Il "désigne un projet d'aménagement urbain visant à intégrer des objectifs de développement durable et à réduire l'empreinte écoloqique du projet" (Wikipédia). Ces formes urbaines innovantes se développant ici et là au coeur des villes, allient des caractéristiques communes liées à des enjeux environnementaux portés par les politiques urbaines.

Ainsi, il s'agit en premier lieu de réduire les consommations en énergie des ensembles résidentiel via notamment l'utilisation de nouveaux matériaux de construction, de nouveaux équipements (pompes à chaleur, panneaux solaire...) et la création de nouvelles formes de bâti (plus adapter à leur environnement). L'écoquartier doit également favoriser la biodiversité,les mobilités (transports collectifs, voies vertes...), la mixité sociale (mixité du bâti) ou encore la démocratie participative (Ressentiments des résidents, associations de quartiers, éducation aux principes du développement durable).

On retrouve la plupart de ces écoquartiers dans les grandes métropoles européennes qui sont pionnières en la matière avec en amont des villes des pays du Nord comme Stockholm, Hanovre par exemple qui ont représenté de véritable modèles de vertu à suivre par les autres métropoles.

b- Des exemples d'écoquartiers


Il ne s'agit pas d'apporter d'avis critiques sur la création et le développement des écoquartiers présentés, mais de mettre en avant certains exemples de constructions réalisés en France, mais aussi en Europe. Cet échantillon permet simplement d'envisager les différentes façons d'appréhender la notion de ville durable à travers les constructions et l'aménagement de ces espaces urbains.

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LA FRANCE
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Le domaine de la Marlière, Courcelles-Lès-Lens, Pas de Calais

De La ville durable

"Ce  projet  a  été  confié  à  Nexity‐Foncier  Conseil  par  la  Communauté  d’Agglomération  d’Hénin‐Carvin  (CAHC)  et  la  ville  de  Courcelles‐Lès‐Lens  (62)  dans  le  cadre  d’un  projet  d’aménagement  urbain :  la  ZAC  de  la Marlière.  Ce  projet  de  68  ha  se composera des lots libres, de maisons de ville, d’immeubles de deux étages, d’un béguinage  (logements pour personnes  âgées  autonomes),  dont  23%  de  logements  aidés,  soit au total environ 1.350 logements. Des équipements publics dont une école primaire financée en partie parNexity ainsi que des commerces viendront également compléter cet aménagement. 
 Ce projet d’aménagement urbain,  soutenu par  la Région Nord‐Pas‐de‐Calais et  l’ADEME, a été  inscrit  au  titre  des  écoquartiers  français.  Avec  cette  opération, Nexity‐Foncier Conseil mise sur la qualité de l’aménagement durable de  son quartier en appliquant  sa démarche environnementale  certifiée  ISO  14001.  Par ailleurs ce projet a été conçu pour répondre à tous les types de budgets puisque 92% des projets (comprenant terrain et maison) ont un prix inférieur à 180.000 € et 39% à moins de 150.000 €. L’objectif de cette opération est de conjuguer  développement  durable  et  accessibilité  afin  de  répondre  aux  attentes  et  aux besoins des habitants de  la Communauté d’Agglomération d’Hénin‐Carvin qui représentent 56% de la clientèle."

(Source Nexity: http://www.nexity.fr/files/webform/CP%20La%20Marli%C3%A8re%20-%20Courcelles-L%C3%A8s-Lens_1.pdf")


Le Val de la Pellinière, Herbiers, Vendée


De La ville durable

"Dans le cadre de l’aménagement du secteur du val de la Pellinière, nouveau territoire de la ville, les propositions du plan masse d’intention et ses dispositions réglementaires engagent une prise de position forte sur le projet : un parc urbain habité. La cohabitation sociale intègre des modes variés de formes d’habiter (logements collectifs, logements intermédiaires, logements indépendants et logements individuels). Les dispositions nouvelles du cadre de la loi SRU influencent les interventions de mise en urbanité dans la perspective de favoriser les conditions de mixité sociale et d’usage. L’intervention architecturale et urbaine proposée ici est volontairement et délibérément dans la direction de la ville mise en intensité. La fréquence des relations citoyennes qualifiant les modes d’échanges, c’est une disposition indispensable à la fabrication de l’urbanité.
Cette opération de logements s’inscrit dans le cadre mais aussi dans un tissu urbain en permanente mutation sur lequel chaque acte de transformation ou de création doit attacher, novation, diversité et vigilance sur la qualité des usages.
Le caractère, le mode d’écriture de ce projet urbain et les intentions architecturales vont dans ce sens.Les fronts de logements regroupés posés le long des espaces publics s’associent aux cœurs d’îlots voués à une occupation de logement de typologie et de forme variées."

(Source URCAUE Pays de la Loire: http://www.urcaue-paysdelaloire.com/IMG/pdf/pelliniere.pdf)

La caserne de Bonne, Grenoble, Isère

De La ville durable

"Depuis 2001, le projet de reconversion de la caserne de Bonne a suivi un long processus de concertation. Ce dispositif a permis de définir un programme, affiné avec l’urbaniste Christian Devillers. La ville de Grenoble a confié à la S.E.M SAGES le suivi de la phase opérationnelle avec AKTIS Architecture comme architecte en chef. Les premiers habitants ont emménagés en 2008. Le site est actuellement en reconstruction (septembre 2010)."

(Source SEM SAGES: http://www.debonne-grenoble.fr/index.php?/fr)


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L'EUROPE
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Le quartier BedZED, Londres, Angleterre


De La ville durable

BedZED ou Beddington Zero Energy (fossil) Development est un petit quartier, îlot résidentiel de 100 logements, construits au sud de Londres par le cabinet d'architectes Bill Dunster. Le projet couvre 1,7 hectares. Il comprend 2 500 m² de bureaux et de commerces, un espace communautaire, une salle de spectacles, des espaces verts publics et privés, un centre médicosocial, un complexe sportif, une crèche, un café et un restaurant ainsi qu'une unité de cogénération. C’est le premier ensemble de cette taille et à ce niveau d’efficacité énergétique à avoir été construit au Royaume-Uni, avec les principes de l’Habitat écologique et un objectif social, avec le soutien de la Fondation Peabody (ONG caritative de Londres, dédiée à l'habitat, partenaire du projet). Cette réalisation est rapidement devenue une référence.De nombreux touristes viennent la visiter.

(Source: Wikipédia)



Le quartier Vauban, Fribourg-en-Brisgau, Allemagne

De La ville durable

"Le quartier Vauban est un écoquartier de la ville de Fribourg-en-Brisgau, en Allemagne.Situé au sud du centre-ville, ce terrain accueillait une caserne construite en 1936 et occupée après la Seconde Guerre mondiale par les forces françaises stationnées en Allemagne (FFSA). En août 1992, les militaires libèrent cet espace, posant de fait la question de son avenir. Après une période durant laquelle les casernements sont occupés illégalement par des populations marginales, la municipalité lance en 1996 les opérations de renouvellement du secteur, en s'appuyant sur une démarche de développement durable.Douze anciennes casernes ont été conservées et rénovées, occupant un terrain d'une superficie de 4 hectares. Quatre d'entre elles sont affectées à 220 logements alternatifs formant le collectif « SUSI » (Selbstorganisierte unabhängige Siedlungs Initiative). Ces logements sont habités par une partie du groupe ayant occupé illégalement les casernes dès leur libération et qui sont à présent régularisés. Six autres casernes accueillent 600 logements pour étudiants. Enfin, une ancienne caserne nommée Stadtteilzentrum Haus 037, est transformée en maison de quartier et en centre socio-culturel accueillant les associations locales. Les 34 hectares restants sont restructurés et consacrés à la création de 2000 logements et de 600 emplois, dont la plupart sont regroupés sur 6 hectares destinés aux activités industrielles et artisanales. À l'est de la Merzhauser strasse (voie nord-sud de liaison interquartier) est programmé un ensemble de maisons à énergie positive. Ces logements sont alimentés par l'énergie solaire et du fait de leur construction suivant les règles du Passivhaus (très forte isolation) jusque dans le moindre détail, ils produisent plus d'énergie qu'ils n'en consomment. Les autres bâtiments du quartier respectent également un grand nombre de principes environnementaux, tels les toitures végétalisées, une exposition optimisée à la chaleur solaire, l'emploi de panneaux solaires et de matériaux écologiques pour la construction."

(Source Wikipédia: http://fr.wikipedia.org/wiki/Quartier_Vauban_de_Fribourg-en-Brisgau)


Le quartier Hammarby Sjöstad, Stockholm, Suède

De La ville durable

"Ancienne zone portuaire insalubre réputée pour ses problèmes d´insécurité, Hammarby Sjöstad est aujourd´hui l´un des quartiers les plus agréables de Stockholm. Situé face à l´île de Södermalm, au bord du canal Hammarbyleden, ce quartier allie proximité du centre-ville et rapport privilégié à la nature. L´architecture, les infrastructures, le système de gestion de l´eau et des déchets ainsi que l´approvisionnement en énergie ont été étudiés et réalisés dans une optique de développement durable : Hammarby Sjöstad est aujourd´hui l´un des quartiers durables les plus novateurs et performants sur le plan environnemental. Les travaux de transformation devraient s´achever en 2016."

(Source Ambassade de France en Suède: http://www.afsr.se/Hammarby%20sjostad.pdf)

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III)Le développement des ensembles résidentiels fermés: Un processus durable ?

De La fermeture résidentielle en question

a- La fermeture résidentielle: simple utopie urbaine ou processus durable?

Dans la quête éternelle de la société idéale, la sécurisation de l'habitat est devenue la nouvelle utopie. En ce sens, l'espace de la ville est devenu le témoin de cette nouvelle idée dominante des sociétés humaines : la sécurité remède de nombreux maux. La sécurisation est donc devenue la représentation imaginaire de l'idéal social. Cette utopie a trouvé ses racines dans les théories d'individus qui ont d'une certaine manière fixé de nouveaux systèmes de règles communautaires. La sécurisation des espaces résidentiels autrefois fiction, est apparue comme révélatrice de certains faits de société et surtout ici de ses travers. La fermeture serait donc une fiction d'hier qui a influencé le présent via une projection par les criminologues à la base de ces théories. La sécurisation est selon les acteurs de l'aménagement, la traduction de l'idéologie de notre époque, l'idéologie dominante par la force des représentations l'entourant. De ce fait, de nombreuses tentatives ont eu lieu ces dernières années afin de mettre en acte cette utopie et ainsi de l'imprimer dans l'espace à travers une forme urbaine spécifique désormais incontournable. Cela montre que l'utopie n'est pas antagoniste aux constructions du réel car la mise en oeuvre d'une idée, d'une représentation ne déconnecte pas l'homme de l'espace et de ce fait, on percevra toujours un modèle spatial correspondant à cette utopie. L'utopie sécuritaire qui équivaut à construire autour de la cellule de l'habitat de nouvelles frontières, entre dans le principe de l'espace guérisseur des maux de la société. De ce fait,l'utopie fonde ici l'aménagement. Cette dérive spatialiste impliquerait que la bonne ville, la ville « saine» serait garante de la sécurité de ses habitants. C'est aujourd'hui l'idée dominante chez les aménageurs, ce vers quoi il faut tendre. Cette utopie, ce modèle, outre ses conséquences spatiales, nous laisse appréhender les problèmes, les tensions sociales qu'il implique. Aujourd'hui, on se projette dans une optique nouvelle qui laisse envisager les futurs possibles sans pourtant pouvoir évaluer les conséquences directes sur les individus.

b- Des scénarios d'aménagement sécuritaires appréhendés comme "durables"


En créant un pont entre monde réel et monde imaginaire, certains aménageurs ont avancé un remède potentiel afin de venir à bout des travers des sociétés humaines. La sécurisation, la fermeture sont considérées comme souhaitables et applicables partout sur le long terme dans un principe de systématisation. La conception dominante est de prôner la ville comme avenir de l'homme et donc comme productrice de moyens au service de la société. C'est donc sur la forme que l'on souhaite agir avec toujours à l'esprit, l'utopie de la ville saine alliant les principes de ville sûre mais aussi de ville durable. Ces tendances idéologiques fortes des hygiénistes confortent les aménageurs dans l'optique d'assainir, de rendre habitable l'environnement urbain, et cela passe avant tout par la tendance sécuritaire. Cette utopie s'est basée sur le contexte historique de l'accroissement de la population urbaine et par là, la dégradation de l'environnement urbain. En effet, à partir du moment où la population d'une entité urbaine augmente, la gestion et le développement de celle-ci est rendu beaucoup plus difficile. L'insécurité autrefois attenante à la campagne est désormais liée à la ville et la volonté est aujourd'hui forte de mieux contrôler l'espace urbain. Au niveau de la rénovation urbaine, on va faire de l'architecture le réceptacle des tendances sécuritaires avec l'ouverture des perspectives, la suppression des angles morts et la multiplication des éclairages publics.Dans ce contexte, apparaissent de nouveaux matériaux sécuritaires et on va rentrer dans la logique des flux avec une circulation facilitée et où les arrêts sont limités pour plus de sécurité. Cet accroissement de la surveillance, ce développement de la fermeture, ainsi que l'utilisation concrète de la tolérance zéro, doivent être selon les nouvelles
représentations, les facteurs garants d'un « mieux vivre ensemble ». Ces nouvelles territorialités issues de l'imaginaire contemporain, font l'objet de nouvelles perspectives scientifiques traitant de la force des représentations.

La fermeture résidentielle: Quels enjeux ?


L'étude la fermeture résidentielle est pertinente à plusieurs titres. En effet, les changements globaux intervenus ces dernières années nous poussent à nous interroger sur le développement durable des sociétés. La croissance des inégalités sociales,la fragmentation et la progressive perte d'identité urbaine ainsi que le
caractère de plus en plus individualiste des individus sont des risques désormais
clairement identifiés. Or, la fermeture résidentielle, issue notamment de ces différents facteurs, doit être abordée comme un risque potentiel au développement durable des espaces urbains. Il est donc important d'appréhender la conjoncture dans laquelle se développe un tel phénomène en traitant des nouvelles questions sociales et urbaines impliquées par le changement des sociétés humaines. Nous abordons ici les thématiques d'urbanisme affinitaire, de ségrégation sociale, de sécurisation des espaces ou encore de sécession politique. Jacques Donzelot parle de l'indispensable « ciment civique » et induit le besoin pour toute société de faire « nation » afin de parer aux risques d'une désolidarisation sociale qui mettrait en péril tel ou tel État. Le géographe traduit bien la difficulté des sociétés à affronter la question de la mondialisation qui remet en cause les systèmes socio-économiques et politiques établis. La globalisation économique a eu pour conséquence la fragmentation des territoires. Les concurrences accrues entre états, régions, localités, ont accentué les inégalités sociales via des espaces et donc des populations qui sont confrontées à ce que l'on appelle désormais «l’effet tunnel ». Ainsi, certains territoires, considérés comme handicapés économiquement, sont délaissés aux marges d'un État et au profit des plus riches. La division des classes sociales a toujours été un fait de nos sociétés. Néanmoins, nous observons que ces mêmes sociétés semblent perdre leur fonction assimilatrice pour progressivement construire des tendances d'entre soi.

De La fermeture résidentielle en question

Cette fracture sociale et urbaine se veut créatrice de ces nouvelles cellules d'habitat protectrices que sont les enclaves résidentielles fermées. Donzelot fait apparaître l'existence de ces nouvelles forteresses séparatistes que sont les gated communities sur le continent américain ou les cités d'habitat social en France, modèles qui caractérisent la sectorisation sociale des populations. De ce fait, ces nouvelles marges urbaines peuvent s'avérer subies ou voulues. Cette dernière appréciation relève d'un phénomène assez récent, l'urbanisme affinitaire. Ce dernier, associé à l'augmentation des incivilités se présenterait comme un pilier de la nouvelle question urbaine selon des auteurs comme Jaillet, Prêvot-Schapira, Ghorra-Gobin ou encore Jacques Donzelot. En adoptant leur point de vue jugé trop alarmiste par Ascher, Godart ou encore Daniel Behar, nous envisageons toute la véracité du principe d'espace criminogène et d'entre soi comme participant à la progressive dissolution de l'État-nation et surtout de l'identité urbaine. Il faut bien évidemment envisager ce processus à différentes échelles, fluctuant selon les rouages économiques, sociaux, politiques et culturels de chaque territoire. Mais celui-ci reste néanmoins un enjeu de société fort vu les risques qu'il implique pour le développement durable des villes et des sociétés dans leur ensemble. C'est la nouvelle question urbaine. Celle-ci tient à la nouvelle distribution des pouvoirs dans la ville. En effet, la population selon Donzelot « n'est plus la base des sociétés mais sa marge ». Ainsi, nous constatons de plus en plus que les individualismes politiques et sociaux fabriquent la ville d'aujourd'hui, admettant le concept d'urbanisme affinitaire et la fragmentation des espaces urbains. Dans ce schéma, les plus pauvres sont laissés de côté, et même évités, localisés loin des centres gentrifiés et des périphériques pavillonnaires. Que ce soit au niveau sécuritaire, éducatif ou économique, chacun cherche le séparatisme menant à l'entre soi. Il ne s'agit donc pas seulement d'une division spatiale mais aussi de la disparition progressive des échanges sociaux entre les espaces de vie. La définition fonctionnelle de l'espace a donc restreint la vie collective pour promouvoir le cercle de la vie privée. Le cadre de vie est alors passé au-dessus du niveau de vie dans les attentes des populations mais aussi dans les conflits sociaux. La conséquence directe, très visible dans les villes des Etats-Unis se révèle être la volonté d'autogestion de leur espace de vie par les populations. Les associations ou communautés se forment et militent ainsi pour la promotion de leurs cadres de vie et ceci passe parfois par des mouvements sécessionnistes. Une certaine lutte des pouvoirs entre l'État et les sociétés civiles attise le processus de fragmentation urbaine. À l'urbanisme fonctionnel instauré par la ville industrielle a succédé l'urbanisme affinitaire. Celui-ci définit « toutes les formes de production de la ville qui favorise l'agrégation entre des ménages de même rang social, aux goûts et aux modes de vie similaires » (Guenola Capron)
. C'est l'idée d'une « ville à la carte » qui serait choisie librement par les individus selon Ascher et où les déterminismes que constituent les proximités spatiales seraient gommés au profit de la capacité de déplacement des individus. Selon Donzelot, ces individus préféreraient s'affranchir des relations de voisinage au profit de relations sociales électives et déterritorialisées. C'est enfin sur cette logique que se sont construits certains modèles de ville comme « l'archipel » de Viard qui admet des pratiques reliant différents morceaux de territoires similaires autant socialement que dans leur fonctionnement en délaissant les autres espaces. Ce repli des populations est souvent diagnostiqué par les géographes, les sociologues comme un mal causé par la montée des incivilités. L'entre soi pourrait ainsi s'expliquer par la menace qui pèse
aujourd'hui sur le développement des sociabilités : les incivilités. Mythe ou réalité selon les territoires, celles-ci admettent systématiquement l'appréhension des populations qui subissent rumeurs et emballements médiatiques à ce sujet. La
qualité de vie urbaine largement fragilisée par ces incivilités ou la représentation qu'il en est fait par les populations est un phénomène qui contribue à la progressive perte d'identité et de sociabilité de la ville. L'espace public se voit dénigré et progressivement happé par l'espace privé. Car les espaces publics sont désormais appropriés, territorialisés par des groupes d'individus et non plus forcément par la multitude. Ces facteurs plutôt alarmistes traduisent les tenants du processus d'urbanisme affinitaires. Ici, les contraintes d'habiter imposées par la ville d’hier s'estompe au profit de zones homogènes, d'un voisinage électif, sélectif et par conséquent très excluant. Les déplacements permis par les transports, l'augmentation des niveaux de vie mais aussi les écarts sociaux ont abouti à la capacité toujours plus grande pour les populations de choisir leur espace de vie ainsi que leurs relations de voisinage. Le développement des espaces périurbains et la multiplication des centres névralgiques dans l'urbain ont développé l'autonomie des espaces et des populations. Ainsi, la ville centre historique n'impose plus forcément ses règles et de moins en moins de populations y sont dépendantes. L'urbanisme affinitaire réinvente la ville. C'est l'idée d'une ville du choix qui « déterritorialise les
rapports sociaux, éloigne les habitants des cadres socio culturels où ils ont grandi, libère les individus de la pression du ou des groupes, leur donne la possibilité de choisir par eux-mêmes un univers relationnel, élargi la possibilité du choix et des perspectives » (G.Dubois-Taine, Y.Chalas). Via ce processus, ce sont de nombreux constituants de la ville qui disparaissent comme ses codes socio- économiques mais aussi ses espaces identitaires comme le quartier dont le sens se perd peu à peu. Les travaux de Nicole Haumont traitent notamment de ces progressives pertes d'identité et de la destruction de la cohésion sociale dans ces
quartiers au profit notamment de réseaux communautaires. L'utopie « tous voisins,
tous amis » à laquelle s'opposait jusque-là la réalité de nos sociétés, qui nous
obligeait à la confrontation à l'autre, étranger à nos propres attentes et
représentations, s’ancre désormais dans cette réalité. Le modèle de la gated
community en est une preuve irréfutable qui marque l'effondrement des codes du
vivre ensemble. Renaud Le Goix a pu dénombrer la multitude de cas issus de ces
regroupements affinitaires en Californie en mettant en avant les rapprochements
autour d'un culte, d'une catégorie sociale, d'une activité ou d'un idéal commun de
sécurité. Via ces pratiques, le « faire société » est sans aucun doute en péril car le principe même de la ville est dénigré. Il est donc complexe de figurer dans ces processus de la fin de la ville où l'émergence d'un nouveau modèle de ville. La
seconde hypothèse implique le déni des modèles de ville connus définit par la mixité des statuts. L'ambition pour les populations est en ce sens de créer de nouvelles villes fidèles à leurs attentes et représentations. Par la présence de murs ou autres matériaux sécuritaires ou encore via l'éloignement, on cherche à fuir la ville dans laquelle on ne trouve pas de tranquillité et de proximités de voisinage satisfaisantes. Dans cette optique, la désolidarisation entre les différentes catégories socio- économiques est nette, les plus aisés fuyants plus que la ville centre, les populations en difficulté. Augmentation des incivilités et urbanisme affinitaire sont donc des processus qui vont de pair, induits par des écarts de richesse de plus en plus grands et des individualismes renforcés. Ce sont les deux principaux tenants de la mondialisation. En partant de ce constat, questions sociales et urbaines sont mêlées au vu de la sectorisation sociale et affinitaire des populations. Ainsi, il est indispensable pour le géographe de ne pas séparer le social et le spatial, géographie et sociologie. Nous devrons prendre en compte les concepts d'espace criminogène mais aussi les trajectoires des populations, leurs attentes et représentations pour replacer l'homme dans son espace de vie. Pour appréhender les changements globaux, il faut comprendre tous les processus qui rentrent en compte dans leur développement.
L'un des risques très présent dans les espaces urbains reste aujourd'hui encore
l'étalement urbain qui est d'ailleurs très profitable à l'établissement des enclaves résidentielles qui s'étendent sur de grands espaces que l'on ne retrouve pas dans des zones densément urbanisées. Cet étalement urbain se définit par des espaces d'excroissance de la ville loin du centre historique et urbanisés de manière discontinue, donc peu favorable aux grands principes de la ville durable. Développé sous la forme du modèle pavillonnaire à partir des années 70 en France il renforce la spécialisation des lieux en abritant globalement les classes moyennes. Ces zones d'étalement urbain sont des lieux privilégiés d'installation des ensembles résidentiels fermés car la promesse par les promoteurs d'un cadre de vie agréable et loin de la densité urbaine de la ville centre tout en étant protégé par les équipements sécuritaires reste un très bon argumentaire marketing. L'implantation de nombreuses gated communities dans les zones d'étalement urbain aux États-Unis présage l'établissement croissant de lotissements clos en France, certains promoteurs commençant à importer ce modèle.
Mais l'établissement des enclaves en périphérie de la ville atteste d'un autre
processus issu des grands changements des modèles de ville : l'apparition de
nouvelles centralités. Via celles-ci, les exurbanisés peuvent profiter de tous les
équipements et services nécessaires en s'exilant néanmoins de la ville centre. Ce
processus rentre d'ailleurs dans l'argumentaire de vente des promoteurs immobiliers. Les populations pourront donc profiter de tous les bons côtés de la ville en oubliant les mauvais. La multiplication des centralités entre donc dans un processus de fragmentation qui constitue un des périls urbains. Cette recomposition de la centralité peut également s'inscrire dans les mouvements de sécession des populations en promouvant une société choisie et non pas subie. Ce terme de sécession n'est pas très utilisé en français et on lui préfère souvent la notion de ségrégation. En effet, le terme de sécession est souvent jugé guerrier et extrême, ce qui n'est pas dans son sens premier le cas comme expliqué précédemment. Or, le risque de ségrégation ne semble plus de rigueur confronté aux changements profonds que connaît l’urbain. Ce terme se définit comme la ségrégation entre les classes sociales ou les différentes ethnies. Mais celui-ci perd son sens confronté au développement du modèle de la ville fragmentée, en archipel. Désormais, la possibilité de choisir son lieu de résidence et l'étalement urbain conséquent ont changé la donne. Le rassemblement et la répartition sociale des populations par la ville n'est plus un état de fait, alors que c'était le cadre de la notion de ségrégation. L'entre soi et plus précisément la désolidarisation des sociétés d'aujourd'hui s'inscrivent alors dans le concept de sécession. Cette fuite des populations vers un espace choisi dont profite largement le modèle de la fermeture résidentielle représente un enjeu majeur car un risque pour la ville. Le risque de la perte de toute cohésion sociale, de tout lien entre les individus, donc la perte de l'identité urbaine. La ville durable telle qu’elle est envisagée devrait permettre un équilibre social, économique et environnemental. Or, la fragmentation, la spécialisation des espaces, la multiplication des centres ainsi que les individualismes ne sont pas envisageables à long terme si l'on souhaite le développement durable de la ville. Bien entendu, la fermeture résidentielle n'est que l'une des facettes de cette fragmentation et cette sécession aspirée par les populations ; mais ce processus en pleine expansion semble crucial puisque affichant les dérives parfois extrêmes de sociétés dans leur recherche d'entre soi. En ce sens, ce sujet s'inscrit pleinement dans les préoccupations attenantes à la ville durable en considérant la fermeture résidentielle comme un risque potentiel.

Cassandre DEWINTRE, ART-Dév/CNRS/UM3.

"Nuage de mots" de la fermeture résidentielle

De La fermeture résidentielle en question